jeudi 4 juin 2009

Le faux voyage

Le voyage existe-t'il encore?

Si je décris le voyage dans son contenu le plus positif, je dirai que c'est une errance, une recherche, une déshabitude. Qu'il va vers l'inconnu.

Je voudrai que le voyage soit une aventure, et je voudrai que la vie soit un voyage. Si je l'oppose à la bourgeoisie, je ne me trompe pas tout à fait. La plupart d'entre nous sont bourgeois ou rêve de l'être ; nous le sommes donc tous, au moins en esprit. Or la bourgeoisie ne rêve que de sécurité et de confort. Bizarrement je n'opposerai pas la sédentarité et le voyage. C'est que les kilomètres aujourd'hui ne représentent plus grand chose. Le monde entier a été organisé de manière à ce que le confort soit partout, et qu'il est possible, ou plutôt impossible d'y échapper.

Pourquoi voyage t'on aujourd'hui? Est-ce la recherche existentielle, le désir de rendre plus complexe et plus profond le monde dans lequel nous évoluons chaque jour, de reprendre ce que le quotidien nous enlève en nous mettant face à un paysage unique et simplifié ; Est ce le désir ambitieux de découvrir les multiples facettes d'un monde vaste, de se heurter aux puissances infinis que régissent notre univers ; Ou encore la volonté de redéfinir le réel, de le rendre plus présent, de le recréer en nous : d'investir le décor, et de faire le lien entre nos sensations et les objets.

Je parle ici de cette sensation frustrée ; celle où le sens simple des choses échappent. Des sens anesthésiés qui transportent le corps dans un monde quasi virtuel ; ou ce qui nous entoure n'est plus qu'informations utiles, et presque sans substance.

La redécouverte de ces sensations pleines, ne peut se faire je crois, qu'au travers d'un processus de redécouverte du réel. Or le réel s'efface principalement avec la fiction du quotidien, de l'habitude, du confort, et de la sécurité. Pourtant aujourd'hui, les gens qui rêvent de s'évader, et qui se tournent naturellement vers le voyage, ne changent à peu près rien de leurs habitudes. Ils suivent, par manque de courage, d'investissement, de possibilités, d'imagination, les propositions et les moyens connus à ce genre d'entreprise ; voyages organisés, hôtels, musées, pèlerinage touristique sans attraits réels. Munis d'une bible touristique, ils ne découvrent jamais, au mieux, ils redécouvrent. Le voyage prend une dimension sociale plutôt qu'une quête personnelle ; sous couvert de souvenirs, l'appareil photo devient la preuve des endroits qu'ils visitent, pourrai-je dire qu'ils conquièrent, et la conquête du réel et du nouveau, ne devient plus qu'un processus imaginaire, une mise en scène. Il s'agit pratiquement de valider un nombre de fausses expériences à accomplir, tout au long de sa vie, de valider des destinations, comme en atteste Facebook qui propose une carte, visible de tous bien évidemment, de toutes les villes et pays visités.

A Toulouse, je vois des touristes sans tête déambuler avec à leurs cous, tout un tas d'appareils de grandes technologies. Ils avancent le regard vers le haut, les bras croisés dans le dos. Ils errent, mais d'une errance triste. Ils pensent peu à ce qu'ils voient, et je ne saurai leur en vouloir ; ils marchent par devoir, sans autre intérêt que de justifier leur entreprise. Ils visitent la cathédrale St Sernin, et ressentent une vague émotion, prennent quelques photos pour tenter de la capturer, font mine de s'y intéresser. Au Japon, mêmes appareils, beaucoup de cinéma, et encore plus de sérieux.

Ces critiques sont faites sans rancunes ; si le voyage est ce qu'il est, c'est qu'il est difficile maintenant de faire autrement. Ou qu'on aille, tout à été déjà découvert, et tout ce qu'il y a à voir a été mis à disposition. Ainsi, en voyage, qu'on le veuille ou non, on suit un parcours, on paye pour entrer. Difficile d'y trouver l'inconnu, difficile de l'accepter, et de ne pas jouer.