Quand j'y pense, j'ai de la peine. C'est comme si nous étions les arbres d'une foret tropicale, et qu'il fallait se battre pour la lumière. La lumière pour les arbres, c'est la vie ; mais pour nous, qu'est ce que c'est?
Apparemment ça n'est ni l'eau ni la nourriture, ça n'est pas non plus un toit et de quoi se protéger des éléments hostiles, ni le confort élémentaire de l'homme moderne c'est à dire une télévision, un lave linge et un aspirateur. Parce qu'il faudrait une crise économique majeure pour que ces basiques disparaissent.
Ca n’est pas vraiment habile de ma part de démarrer par cet exemple. C’est qu’au départ, j’insinue que dans cette lutte à la lumière, les ressortissants de chaque pays sont responsables des valeurs et des buts qu’on choisit leurs sociétés. Or il est évident que ça n’est pas le cas. Si aujourd’hui nous sommes dans l’ère de la démocratie et du vote, notre part de décision est restreinte à des propositions. Ces propositions naissent, et sont crées pour répondre, paraît-il, a des impératifs (qui tournent autour de la guerre économique), et à une amélioration de notre quotidien. Ce qui est étonnant ou plutôt ce qui m’étonne, c’est que les gens puissent accepter de se voir restreindre leurs libertés à du pré-mâché, et puissent se laisser berner par l’air grave de nos politiciens.
Je sais bien que juger n’est pas facile, car il s’agit de choisir et d’émettre un jugement de valeur en même temps. Or comment choisir, si nous ne pouvons pas sortir de notre propre représentation du monde. Pour juger, il faut au moins pouvoir comparer. Cette impossibilité de sortir de cette simplification de l’existence vient de plusieurs phénomènes, dont je ne ferai pas de liste exhaustive maintenant. C’est qu’ici mon but n’est pas de critiquer les individus, mais la responsabilité des pouvoirs, et humaines en tant qu’espèce.
Le principal responsable peut-être, est la télévision, qui est mon dieu, parce qu’à toute heure c’est le son rassurant du ronron du monde, le bruit de la fourmilière et je sais que c’est une vérité ; que je sois la ou non, il ne s’arrêtera pas. C’est ainsi que je rythme ma vie, et que se forme l’image que j’ai du monde. Un univers qui s’arrête confortablement aux frontières humaines, et qui oublie les nombreux mystères que propose l’existence, donnant à l’avance des valeurs et exemples type, qui répondent aux questionnements humains. Evidemment, seule n’est pas en cause la télévision. Les choix éducatifs, et l’ensemble des autres médias s’ajoute à ce qu’on pourrait appeler propagande.
Si propagande il y a, c’est que derrière se cache un but et donc des valeurs (ou l’absence de valeur, ce qui dans un sens est la même chose, puisque c’est la volonté de puissance et donc de dominer qui surgit du nihilisme. Or si la domination ne peut pas être une valeur, elle peut être au moins une règle, et donc un but.). Le fait est qu’il est difficile de savoir si à l’intérieur de notre système capitaliste, se cache un but autre que l’expansion économique et de l’éternel jeu de dominé/dominant très divertissant je l’admets mais parfaitement idiot, puisque non seulement il suscite une incroyable quantité d’énergie, mais parce qu’il ne mène nulle part. Il semble à ce sujet décevant de penser, que la propagande en question n’ait pas d’objectifs grandioses, mais l’idée simple de régir le monde de façon à faire le plus de profit possible. Argent étant synonyme de pouvoir, il s’agit donc de régner. Je pense à Aldous Huxley ou à George Orwell et à leurs romans d’anticipations et je dois admettre que leurs scénarios restent incroyablement pertinents aujourd’hui.
Quelle est le réel but de ce message ? Simplement de dénoncer un système qui ne nous laisse que le choix d’une vie individuelle. Individuelle puisque sans sens. Il n’y aura jamais de vraie solidarité tant que nous serons dans une optique de plaisir personnel. Et je ne vois pas comment combattre l’individualisme dans notre situation actuelle. Il s’agirait de demander aux gens de croire en des valeurs qui ne reposent sur rien. Des coquilles creuses. Nous voilà face au monde absurde dont parle Camus, et aux solutions de notre époque. L’abandon de tout espoir d’immortalité et donc d’espoir (Dieu est mort). Pourquoi alors penser plus haut que son propre plaisir ? Pourquoi aller au-delà de sa propre vie ? Je ne le sais pas moi-même, je ne peux que constater la décadence et les paradoxes dans lesquelles nous sommes tombés.