mardi 11 mars 2008

24 heures a Bundaberg

Il est Jeudi 21 fevrier et je vais me coucher. J'ai trop mange et je sais qu'il va etre difficile de dormir. Il me reste pourtant 6 heures de sommeil. A 3h55am, les trois allemands se leveront pour partir travailler et me reveilleront. 20 minutes plus tard mon reveil sonnera.

Je dors mal. Je sue, je bouge sans arret pour trouver un coin sec. Mon lit est trop petit. J'ai soif, je me leve et bois d'un trait les deux litres que j'ai du perdre dans les draps. J'ouvre la porte pour fumer une cigarette et une brise chaude me leche le visage. La nuit est belle et silencieuse. J'allume ma clope et je me decontracte en regardant la lune, ronde et lumineuse. Je suis en paix pendant quelques minutes, mais il faut retourner se coucher. Mon lit est trempe, je sais que je ne dormirai pas.

5h15, le bus demarre. Je me suis cache sous ma casquette, le casque sur les oreilles et j'ecoute pour la énième fois High Hopes des Pink Floyd. Le ciel comme toujours est impressionnant. Des convois de petits nuages, et des mastodontes immenses aux formes etranges. Un air de fin du monde, ou de renaissance. Le soleil se leve et l'ensemble est indescriptible. Noir, gris, blanc et puis bleu et orange. Le chauffeur est dingue, il fonce comme d'habitude et aucun de nous n'est attache. Je m'en fous, je regarde le paysage defile, et encore une fois je ressens cette agreable sensation d'etre bien loin de chez moi. La terre rouge et les arbres fous entourent la route ; des champs sur ma droite, a perte de vue, a gauche une jungle semi-tropicale ou se cachent quelques kangourous. La route est pourrie, moitie piste et moitie terre, je jette un œil sur le compteur ; 120 km/h. Ah ouais quand meme. 3/4 d'heures plus tard, je suis completement paumé. Je me demande comment il peut savoir ou il va ; et pourtant on finit par arriver. On s'engage dans un petit chemin que longe un champ immense. Il a beaucoup plut ces derniers jours, et la terre qui semble seche, n'est qu'une grosse eponge. Elle cede sous nos roues et on s'embourbe. Tout le monde descend et il faut pousser, creuser et poser des planches. 20 minutes plus tard je prends place sur la remorque du tracteur, pres a depenser 9 heures de mon temps a planter des citrouilles. Journee facile aujourd'hui, premiere fois en deux mois que je travaille assis.

16h00, on est couche sur la route, a l'ombre d'un grand arbre. On joue au juste a l'heure, un jeu debile ou il faut deviner l'heure ou le bus arrivera. Je gagne cette fois, le bus arrive 7 minutes avant ma prevision ; 16h41. Je m'endors, on fait des detours pour aller chercher d'autres backpackers travaillant dans une autre ferme, on roule, on arrive, il est 18 heures.

Je suis creve et affame ; je me fais mon plat prefere, noodles et œufs avec une tonne de fromage. Et je m'affale sur un vieux divan defonce, le ventre plein et matte un film en anglais et suis content de comprendre sans sous titre. Je suis fatigue. J'attend juste que le nouveau planning de boulot soit affiche et puis je vais au lit. Il va faire chaud demain, et ils vont probablement nous faire bosser tres tot. Ah, non, apres avoir jeter un œil sur la feuille, j'apprend que je ne bosse pas du tout, et ca me fait chier, et en meme temps j'entends une petite voix bien profondement enfouie qui murmure "yekyekyek". Du coup, et malgre ma fatigue j'accompagne deux copains pour aller boire une biere au pub local. C'est glauque mais c'est divertissant.

Ce soir justement, c'est soiree karaoke, c'est marque sur le panneau. J'apprends en meme temps que c'est carnaval, en croisant une flic gothique, un indien obese, un homo pd et d'autres aux deguisements indefini. Apres deux bieres, avec la fatigue, je suis deja affecte par l'alcool, et je regarde ces gens avec une acuite particuliere. Bundaberg est une ville de pauvres fermiers incultes et grossiers, qui ressemble en tout point aux petites villes perdues des Etats-Unis. On les sent depasser ces pauvres gens, vivant a fond le pathetique de leur vie inutile. Habituellement, confronte a ce genre de situation, je reagis par le mepris ou par la compassion. Ce soir je m'apitoie ; je suis eux. Je vois ce gros bonhomme en chemise blanche, les cheveux rase pour cache sa calvitie, qui danse, une canette a la main, qu'il engloutie pour effacer les doutes, pour se gorger de se sentiment puissant qu'il ressent mais qu'il sent gras, et je le vois sourire et s'effacer, d'un geste un peu trop prononcer pour etre reellement sincere, devant une fille, et je sais que dans 1 heure il sera agressif. Il y a cette grosse, presque desirable, a moitie couche sur la table, son verre a moitie plein a sa gauche ; elle s'est deguise en presque-princesse et elle me touche avec son air de jeune fille brisee. J'imagine son espoir minable, lorsqu'elle s'est habillee, et sa tristesse m'engloutie. Ils sont tous laids ; physique ridicule, gauche et sans talent, surtout cette petasse, la plus belle, qui hurle dans le micro et qui me casse les oreilles. Elle a un truc en plus, elle sait ; et elle existe sur leur peine. Ils sont laids, tous, mais ils sont beaux aussi, et je souris parce que tout ce qu'ils ressentent, et leur miserable cirque, me renvoie a moi. Ce sont mes freres. Un petit billard avec un aborigène ventru, une longue discussion avec mon pote chilien, quelques bieres et il est deja 1 heure. Je suis epuise. Je rentre et m'endors instantanement.

1 commentaire:

Alex a dit…

Tendre,
Glauque,
Trippant.

Bon courage gros !