J'aime déambuler dans rues. Sans contraintes. Fumer des cigarettes en regardant les passants. Lire un bouquin au soleil, sur les marches d'une église. J'aime d'autant plus que je suis sensé être ailleurs. J'ai encore fait l'école buissonière, je savoure les instants volés.
Je n'aime pas m'asservir. J'ai l'impression que les gens sont contents de travailler. Ca les soulage ; ils culpabilisent d'être inactif, et le jour où enfin ils passent à l'acte, libérés, ils donnent tout ce qu'ils ont. Pas tous c'est vrai. Mais j'ai cette image en tête ; ceux qui s'estiment, qui souhaitent prendre leur vie en main, qui veulent être des gens bien. Des gens normaux quoi.
J'ai entendu plusieurs fois que c'est dans la contrainte que l'on trouve sa liberté. Qu'elle nous forge. J'ai du mal à comprendre cette idée tant je la trouve abstraite. Je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement entre contrainte et souffrance. La liberté dans la souffrance, et je sens à plein nez les relans de notre bonne vieille religion. On travaille plus par culpabilité que par nécessité.
Si le travail n'est qu'exercice alors je travaille. Mais ça ne suffit pas à m'affranchir de cette pression coërcitive. Culpabilisante influence qui m'oblige à mettre la main à la patte et à participer aux tâches ingrates que l'on me propose. A perdre mon temps, puisqu'au final je n'apprend rien d'autre que je ne sais déjà. A fréquenter des gens incultes et bêtes. Que je ne connais pas mais dont les limites apparaissent dés les premieres moments. Leur ridicule champ de vision. L'esprit gras et bien souvent mesquins. Aux banales motivations. Vivre et puis aussi exister. Mais sans jugement critique ni originalité ; il faut alors supporter leur petit combat quotidien, leur besoin d'affirmer leur "moi", de le sublimer à coup d'attributs étriqués.
Moi c'est l'angoisse qui me travaille. Je suis un animal sauvage, appeuré, je courbe l'échine et montre des dents. Et ca leur plaît pas à mes petits chefs. Ca leur plaît pas.
Il faut s'asservir. Comme une pute. Faire semblant de jouïr, d'être docile et déjà résigné. Car il ne s'agit pas simplement de travailler : mieux vaut un lèche cul inactif qu'un rebelle motivé. Il faut montrer qu'on est heureux d'être là ; le sourire aux lèvres, l'air bienheureux dans cet environement pour ne pas, surtout, remettre en question le système dans lequels ces gens se sont installés. Rien ne les dérange plus que l'esquisse d'une crise existensielle.
Ca me fait d'ailleurs penser à une histoire de canard. Chaque matin une petite troupe de canard s'en va faire 1 km aller-retour pour aller s'abreuver au lit d'une petite rivière. Un matin, alors qu'ils s'en vont faire leur promenade quotidienne, un des membre de la tribu glisse et tombe dans un fossé. Il dévale une petite pente, et s'apperçoit que juste à coté du nid, il y a un court d'eau.
Tous les canards s'en apperçoivent et sont pris de panique, qu'on appelle chez nous crise existensielle. Résultat, plutôt que d'éviter les dangers qu'engendrent leurs parcours du combattant en s'abreuvant au pied de leurs nid, papa canard et toute la troupe décident d'ignorer cette trouvaille et de faire comme avant.
Il n'est pas bien difficile de saisir la réaction de ces gentils oiseaux. Ils conçoivent l'univers d'une certaine manière : ils ont une notion géographique du monde, des habitudes qui régulent leurs vie, et cette découverte boulverse tout ; sème le doute dans leur petite tête de palmipède. Ils découvrent l'absurde. Et rien n'est plus dur à supporter.
Il faut les comprendre : découvrir que sa vie n'a pas de sens, qu'on gaspille son énergie dans des activités qui ne nous apporte rien, à part peut-être une possibilité d'évolution sociale, est très désagréable. C'est la déprime. Le nihilisme. Chez les japonais, le suicide.
Pour en revenir au travail, j'ai éludé nombre d'arguments que l'on m'a opposé lorsque je tentais vainement de me rebeller.
Le plus courant, c'est la raison morale : le fait est que lorsqu'on ne travaille pas, on n'a pas d'argent, et que ce sont les parents qui derrière doivent assurer. Je dois bien avouer que je ne vois pas très bien, face à ce coup bas, comment légitimer ma rébellion.
L'exposé qui suit est généralement plus conciliant. Il faut être stoïque : tu es compris mais la société est ainsi, il faut supporter pour plus tard, se libérer. Travaille, engrange l'argent, et fait ce qu'il te plaît.
C'est clair comme de l'eau de roche, on me demande de coucher. Moi qui rêvait d'être un preux, un chevalier dandy, un gentilhomme aux valeurs éternelles, on ne me donne d'autres alternatives que d'aller fréquenter des milieux dans lesquelles je n'aurai d'autres choix que de mentir, de me plier à des raisonnements que je n'approuve pas tout en ayant l'air d'être d'accord. Quoi de plus cynique et de plus immoral?
Quant à l'idée d'engranger de l'argent, il faut être none pour réussir à économiser en étant smicard.
Je finirai par là : évidement le travail et donc la contrainte peuvent être bénéfique puisqu'elle oblige l'homme à se surpasser, et donc à s'élever. Mais chercher la souffrance pour avancer n'est rien d'autre que du masochisme : avoir une bite dans le cul ça fait mal mais ça fait pas marcher droit.
Laissez nous vivre nous les jeunes ou bientôt on vous l'incendiera votre pays de merde.
Et une petite citation de nietzsche, tiré des apologistes du travail :
Dans la glorification du «travail», dans les infatigables discours sur la «bénédiction» du travail, je vois la même arrière-pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, on sent aujourd'hui, à la vue du travail — on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir —, qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société où l'on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême.
na.
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2 commentaires:
"J'ai entendu plusieurs fois que c'est dans la contrainte que l'on trouve sa liberté. Qu'elle nous forge. J'ai du mal à comprendre cette idée tant je la trouve abstraite." J'vois pas ce qui te géne la, si tu n'avais aucune contraintes tu ne verrais pas où commence ta liberté et tu le dis toi même au début quand tu dis que tu aimes "d'autant plus" déambuler dans les rues que tu es "censé être aileurs", c bien parce que tu as conscience de cette contrainte que tu jouis autant de ta liberté et tu le sais bien. Sinon je ne peux qu'être d'accord avec ta réaction mais les gens que tu décris ne sont pas à blamer, ceux ne sont que des victimes au final, tout le monde n'a pas pu développer un sens critique comme le tiens ni même prendre suffisament de recul. Pour moi l'argument le plus génant face à ta rébellion et celui auquel je me confronte toujours est un argument plutôt pratique : on aura beau se révoltant autant qu'on veut des absurdités qu'engendre la société mais sans le travail et "la thune", tu la fais tourner comment ta société ? comment t'assures un minimum de cohésion sociale ?
Bon je sais que tu vas toruver mon commentaire sans grand intérêt mais bon, au moins ça te fait un commentaire :x
Super j'ai tout à recommencer, tout a été effacé ! :(
Non je ne trouve pas ton comment sans intéret, c'est cool de lancer des débats ^_^ ( c'est toi arkor ? :)
Ce que j'entend dans "J'ai entendu plusieurs fois que c'est dans la contrainte que l'on trouve sa liberté. J'ai du mal à comprendre cette idée tant je la trouve abstraite", c'est que l'association d'idée entre la liberté et la contrainte semble sortir tout droit de la logique, alors qu'elle est essentiellement issue de la généalogie de notre pensée judéo-chrétienne (dieu est parfait, et nous non, alors pour le rejoindre expions par la souffrance, et peut-être aurons nous une place à ses côtés, lorsque l'on aura laissé pourrir notre corps mortel, imparfait, et donc encombrant).
C'est évidement différent maintenant, mais il n'empêche que je ne peux m'empêcher de faire le rapport entre cette idée de liberté (qu'ici bas on relie facilement à vérité), avec la contrainte qui se transforme souvent en souffrance (pas dans tous les cas evidemment.).
D'autre part, une chose me dérange tout particulièrement dans ton argumentation : tu me dis clairement que le désir de liberté est accru par la contrainte, et que donc l'asservissement est une chose positive, puisque on profite bien plus du temps qui nous est impartie. Parole d'esclave. Quand je décide d'aller faire un footing, je dois faire un effort sur moi même pour trouver la motivation. Pourtant je prend plaisir à l'exercice. Pas besoin de perdre sa liberté pour trouver la contrainte.
Ce que je dis après, comme tu dis reste purement théorique, et non applicable à la société d'aujourd'hui. Bien sur les gens ne veulent pas réfléchir et acceptent sans trop réchigner ce qu'on leur impose et que c'est bien. Mais c'est justement ce qui me dérange. Je considère qu'une société, dites morderne, ne devrait plus avoir de cesse d'abrutir les gens qu'ils se divertissent où non, et que le travail ne devrait être qu'accomplissement de soi (ce qui n'amène pas forcément à encore plus d'individualisme et donc à la dégradation du tissu sociale)
J'arrête là, y'a d'autres choses à dire, beaucoup de choses sont liées et c'est difficile de parler d'une chose sans être tenté de toutes les abordées, mais c'est un livre qu'il faut écrire, et moi j'en suis pas encore capable :]
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