Je suis l'homme absurde qui travaille dans les champs australiens. Ecrase par la chaleur, tout au long du jour je repete le meme geste ; qu'aucune passion ne transporte, desinvesti par l'ame. |
vendredi 21 décembre 2007
Ahhhh.. L'Australie!!
Si Stavroguine croit, il ne croit pas qu'il croie. S'il ne croit pas, il ne croit pas qu'il ne croie pas.
Si je n'ai pas poste pendant un bon moment, c'est tout simplement que depuis ma derniere visite je n'ai pas eu d'acces internet.
Le lundi 2 decembre au soir, j'ai donc enfin quitte Sydney pour un periple d'une petite semaine sur la cote est, en direction de Byron Bay. La premiere nuit, on est pas alle bien loin. 200 kilometres peut-etre avant de s'arreter aux environs de Newcastle. Puis on a quitte la route principale pour aller un peu dans l'outback ; voir si pouvait appercevoir quelques kangourous ou creatures etranges. Toute la journee, on a roule, un peu au hasard, choisissant des routes selons leurs attraits et l'humeur du moment. L'Australie il faut le dire a le merite d'avoir un paysage qui fascine. Tout parait infini ; les arbres immensent, la foret qui borde la route et la plonge dans l'ombre ; le ciel mysterieux, qui ne semble pas avoir de fin, ce que je ne m'explique toujours pas puisqu'enfin on a le meme en France ; les horizons, elles aussi repoussees jusqu'a ce que nos regards s'y perdent. Est ce le delire de nos imaginations? Je prefere me dire qu'ici tout est plus grand, et que l'homme prend ici a juste titre la mesure de ce qu'il est ; vertige, reminiscence d'un passe ou le monde n'etait pas encore a l'image de l'homme ; ou la nature s'appartenait encore. Le temps des mythes et puis des dieux.
Notre journee dans l'outback s'est terminee sur la cote est, pas tres loin d'une petite ville nommee Kempsey. Retour parmi les touristes ; ondes negatives qui nous ont fait vite fuir. On a tourne pendant un moment sur les routes d'une foret, sans oser trop s'aventurer dans les petits chemins dont on ne savait si on pourrait en sortir, pour finalement decourager, s'arreter au milieu d'un essaim d'insectes, un million de bestioles ressemblant plus ou moins a des libellules ; grosses et bruyantes. On essayait de manger au milieu de ce boucan quand de nulle part, une locale et une brouette sont arrives avec un grand sourir, pour nous conseiller un endroit magique dit-elle, et pas tres loin. On s'est donc engage dans la foret, sur un chemin chaotique, mais sur d'arriver quelque part.
Apres quelques dizaines de minutes, c'est une petite clairiere au milieu de la jungle qui nous a decide. On a plante la tente, prepare le campement puis on est parti a l'aventure avant que le soleil ne se couche. Je dois dire la verite, on etait surexcite et legerement inquiet. Des bruits etranges raisonnaient autour de nous, et l'idee de se retrouver nez a nez avec une grosse araignee ou un serpent visqueux ne nous etait pas completement etrangere. Au bout d'un petit quart d'heure de marche, oh surprise, c'est l'ocean qui se fit entendre.
S'il n'etait pas vraiment facile d'acceder a la plage - surtout que con de citadins, on etait en claquette -, je crois qu'on peut dire que l'effort fut recompense. Elle etait immense, blanche et sauvage. Entouree d'une jungle verdoyante et vivante. Le sable n'avait pas du etre foule depuis longtemps parce qu'il etait n'y avait pas d'autres traces que celles des crabes et de quelques kangourous qui avaient du festoyer la nuit precedente. Un petit paradis comme on en voit souvent a la tele. Dommage d'ailleurs, ca nous aura probablement gache un peu de notre plaisir.
On est vite alle chercher nos surfs et puis de quoi s'abreuver, et on a passe la soiree a poil (jusqu'a ce qu'on soit envahi par les moustiques) a se baigner et puis finalement a discuter de choses profondes. Dans se genre d'endroit, c'est difficile de parler pour ne rien dire.
Le lendemain, j'etais reveille en premier et je me suis dis qu'une petite marche ne me ferait pas de mal parce que j'avais un peu mal au crane. J'avais trouve un sentier acceuillant et je m'y promenais tranquillement, quant a un detour du sentier je me retrouvais face a face avec un gros et grand kangourou. Debout, les oreilles dresses, a 5 metres de moi peut-etre. Incroyable! Je restais immobile, ne sachant a vrai dire absolument pas si cette creature pouvait ou non m'attaquer ; ce qu'il ne fit pas, meme quand j'essayai de l'approcher en sautant pour lui faire croire qu'on etait de la meme espece. Perspicace le kangourou, il a dessuite compris que j'essayai de le feinter et il s'est barre dans les fourres.
Dans l'apres-midi, on est reparti bien decide cette fois a atteindre notre destination finale : Byron Bay. Ce qu'on ne fit pas. C'est que sur le trajet, il y avait cette autre plage. Pas vraiment sauvage, mais avec des vagues immenses, 2-3 metres, ce qui est enorme. Moi, le noob de bondi beach avec mes vagues de 1 metre a tout casse, j'ai compris ma douleur, et ma frayeur. Quand tu es couche sur ta planche, une vague de 3 metres ca donne un peu l'impression qu'un immeuble va te tomber sur le crane. On se sent vraiment minuscule. Surtout que je suis tombe pas mal de fois. Et quand ca arrive, tu bois, et tu pries de ne pas te manger la planche dans la tete.
Apres 2 heures de surf on etait epuise. on a dormi sur le parking pour enfin, arriver a Byron Bay. Que dire de cette petite ville. Rien, vous connaissez ; station balneaire pour touristes qui n'a d'autres attraits que son paysage exotique. Magasins, claquettes et anglosaxones grasses et vaines ; bars, boites, ou les gens desoeuvres se rendent, guides par l'espoir d'une possible relation sexuelle. Et meme pas possible dans cette cite decadante de gouter aux plaisirs de la decheance ; tout ferme a deux heures, tout est sous controle ; a gerber ce petit paradis artificiel pour presque-humain.
Je n'ai donc pas fait long feu. Mes deux comperes se sont installes dans un camping, moi dans un backpaker et entoure de tous ces gens, je me sentais bien seul. La n'etait pas mon seul soucis ; avec le voyage j'etais a sec. Je dois dire que ma situation financiere devenait plus que critique, c'est a dire qu'il me restait 150$ ou 100euros.
J'ai passe quelques coups de fils, et je me suis trouve un bus pour l'endroit ou je suis maintenant ; Bundaberg. Une ville encore plus au nord, entouree d'exploitations agricoles.
***
Apres avoir paye le billet de bus et atteri dans un backpaker pourri, il ne me restait plus que 5$ et toujours pas de boulot en vue. Je commencais a me dire que j'allais finir par dessecher dans un fosse sur le bord de la route, quand on m'apprit qu'il y avait un super backpaker ou on pouvait bosser 7 jours sur 7 aux abords de la ville. J'y allais a pied avec mon gros sac et tout l'espoir du monde, et cette fois la chance fut avec moi. Apres une discussion animee avec le gerant - pas facile a attendrir les locaux :D - , j'avais un toit et un boulot le lendemain. Manquait plus qu'un peu de manger et j'aurai ete content. Pendant les 11 jours ou j'ai bosse sans repos, je me suis nourri de noodles et d'eau tiede, et puis de quelques trucs que je chippais a mes voisins de temps en temps ; qu'est ce que vous voulez, les temps sont durs ^_^
Apres ces 11 jours qui me parurent plus long qu'une vie, me voila a nouveau sur les rails. Le patron qui voulait etre paye m'a file des bons boulots -les plus durs- et j'ai deja gagne ce que j'avais quand je suis arrive ici. Moins les 2 semaines que je devais et celle qui vient - 450$. L'enfer pour moi n'est pas fini, je pense rester dans ce backpacker - qu'ici on surnomme "le goulag", et pas simplement parce qu'ici il n'y a que des coreens, mais parce que tous les jours on en bave, qu'on souffre et qu'on a legerement l'impression d'etre des pompes a frics - jusqu'en fevrier, ou en tout cas lorsque j'aurai au moins 3 ou 4000$ sur mon compte.
Voila plus ou moins le recit de mes aventures et la raison de mon silence ; et non je ne suis pas mort mais finalement c'est par chance. J'ai bien d'autre choses a raconter mais qui sont d'un autre registre. On verra ca plus tard.
Bisous!
dimanche 2 décembre 2007
Lundi 3 decembre
Alors voila comme promis quelques photos.. Je dis bien quelques parce que je n'ai pas encore trouver le moyen de foutre les photos de mon portable sur l'ordi.
Voila Sam donc, qui est ma prof d'anglais officielle de Sydney, une nana ultra sympa que je quitte malheureusement vu que je pars aujourd'hui pour Bayron Bay.
Ces derniers jours, j'ai eu une vie mouvemente. Apres mon dernier message, j'ai arrete comme je l'ai dit de payer le backpacker, en me disant qu'il faisait assez bon pour aller dormir dehors, pres de l'ocean, sur quelques rochers acceuillant. J'ai en fait ete contraint de rentrer en plein milieu de la nuit parce qu'il s'est mit a pleuvoir a torrent (de tte facon j'arrivais pas a dormir).
Je me suis donc cale dans la salle tele, en esperant trouver un peu de repos mais rien a faire, chaque fois que je commencais a m'endormir, des cons d'allemands s'amusaient e m'envoyer des poufs dans la gueule.. J'ai donc decider d'aller manger un morceau (deja 6heures), et c'est dans la cuisine que j'ai rencontre mon sauveur. Un francais cool qui allait bosser m'a filer son pieu.
J'ai finalement decider de reprendre une chambre.
Le lendemain j'ai rencontre deux espagnols ultra cool qui voulaient acheter une caisse et se barrer dans le nord. J'ai sympathise avec eux et me voila parti pour quelques journees de road trip et camping jusqu'a bayron bay.
Samedi soir je suis sorti jusque tres tard, et vu que j'avais peu dormi la nuit d'avant, j'avais decider de pas me lever avant tres tard le dimanche. Vers 16 heures, kobi m'appelle et me demande si je veux bosser.. J'accepte evidement, et je me retrouve entrain d'aider a l'organisation d'une private party d'un bar tendance. Donc pendant 2-3 heures, on decore avec des bouts d'aluminium, on empaquette quelques cadeaux, puis ; jusqu'a une heure du mat mon role etait de m'occuper des poubelles. Je n'avais donc STRICTEMENT rien a faire, 3 voyages en tout, et j'ai donc fait la fete avec tout le monde.
Il faut imaginer des serveuses adorablement mignone qui s'approche en te demandant si tu veux une coupe de champagne ou un cocktails, tout a volonte, que ce soit alcool ou petits mets delicats.
J'ai donc touche 150 dollards pour faire la fete, ce qui met de bonne humeur.
La je suis dans un centre commercial, les pcs sont au milieu du hall ce qui explique mon style decousu. La fatigue et l'excitation en prime.
Je vous laisse ; hier j'avais une idee qui me trotait dans la tete : peux t on jouir seul? Je vous donnerai mon avis la prochaine fois, je suis pas vraiment en etat de reflechir xD
BISOUS
mercredi 28 novembre 2007
29/11/07
Je suis toujours coince a Sydney. J'attend avec impatience de pouvoir partir vers le nord mais je suis oblige d'attendre de recevoir les papiers indispensable a mon périple, c'est a dire mon taxe file numbers, assurance vie et autres merdes.
En attendant, mon pécule inexorablement descend puisque je ne trouve des boulots que ponctuellement. Evidement, je n'irai pas dire que toute l'energie dont je dispose sert a la noble cause qu'est la survie par le travail, mais j'en dépense déjà plus que d'habitude, et, ici il fait chaud, et donc manger, marcher (de la plage aux backpacker, du backpacker a la plage) et même dormir consomme beaucoup plus de calorie qu'en France, sachez le.
J'ai donc pris la décision de ne plus payer l'hôtel ; je connais maintenant assez de monde pour squatter des chambres et puis dormir a l'arrache. J'ai aussi un plan dans une caisse, sur un siège à l'avant, ce qui n'est pas la joie pour mon dos mais on fait ce qu'on peut.
Bon ne vous alarmez pas, j'ai encore les moyens de me payer un petit mois de pension, mais chaque nuit que je paye dans cet hôtel m'éloigne un peu plus de mon but. Alors pourquoi payer puisque ma survie n'en dépend pas? -deviendrai-je radin?-
C'est marrant, j'ai l'impression que je suis parti de France depuis une éternité, voir que je n'y ai jamais vécu ; les souvenirs sont impalpables ; myriades de sensations et d'émotions qui créent un décor vaste et précis de mon passe, mais qui s'évaporent si je cherche a m'y plonger, comme si j'avais souffle sur un vieux parquet plein de poussière.
C’est que chez nous j’ai toujours l’impression d’être entoure d’un film de cellophane, comme si notre vie n’avait pas de réelle saveur, faute de but. J’ai d’ailleurs eu cette discussion pas mal de fois en France, notamment avec Jimini la croquette :D
En Israël ils n’ont pas ce problème. J’ai parle pendant de long moment avec une israélienne qui me racontait leurs mode de vie. C’est comme s’ils ne vivaient pas sur la même planète que nous, et même si je n’irai pas dire que j’envie leur mode de vie, puisqu’ils fréquentent la souffrance et une urgence qui nous est inconnu, ils se sont construits sur une réalité qui leur rappelle sans arrêt leurs conditions ; des contraintes, des choix et des décisions dont ne dépendent pas simplement leur intérêt personnel.
En même temps, je parle de ceux que j’ai pu fréquenter, je n’irai pas faire des généralités sur un peuple ; il n’empêche qu’ils ont quelque chose de plus attache a la vie que nous ; un but commun (ce que j’ai voulu exprimer dans mon dernier texte, mais après relecture j’ai trouve que les liens entre le sentiment de l’existence et la communauté pouvais rester assez obscure, c’est que j’ai saute pas mal d’étapes, c’est pas facile d’écrire ici:()
Voila pour aujourd'hui, la prochaine fois, des photos, promis.
Bisous!
ps: vous avez le droit de poster des commentaires, je me sens un peu seul sur mon blog..
dimanche 25 novembre 2007
Lundi 26 novembre
Depuis quelques temps maintenant, je m'interroge sur ce qu'est l'existence. J'ai decide aujourd'hui que je pouvais, compte tenu du point ou j'en suis aujourd'hui, m'exprimer sur des points qui m'apparaissent comme essentiels.
Je frequente de plus en plus d'israeliens, j'aime leur culture et leur facon d'etre : chez eux pas de faux semblant ; les formules dites de politesses ou conventionnelles qui n'ont chez nous d'autres utilites que de souligner l'hypocrisie et l'individualisme n'ont pas court. Quand tu n'en as rien a battre de quelqu'un tu ne lui demandes pas s'il va bien. Cette maniere d'etre peut paraitre rude aux premiers abords, et pourtant ils sont un des rares peuples ou le tissu social reste fort - traditions qui resistent aux assauts du capitalisme. Qui eussent cru que je serai un jour pour un retour a la tradition ; c'est que j'ai recemment compris que le devenir de l'homme est dans la communauté.
Pendant longtemps j'ai pense que la noblesse residait dans l'autosuffisance, qu'il fallait pour s' élever a un degre superieur de l'existence, s'instuire et creer son propre et unique systeme de pensee ; ainsi j'aurai pu atteindre une forme d'absolu. Mais cette quete m'est apparu il y a peu comme absurde, artificielle, quand je me suis apercu que le sentiment d'existence, n'etait en realite qu'un sentiment qui n'etait en rien un immuable, un a priori, mais une simple cause, produite par la possibilite de la conscience a faire retour sur elle-meme. En en prenant conscience, j'ai eu la forte impression de retomber en plein dans l'absurde ; un skieur recherchant toujours plus de sensations, d'adrenaline. Un fou se trompant lui meme, perdu dans les faux semblants d'une emotion, illusion d'une possible immortalite.
A vrai dire je ne suis pas encore tout a fait sorti de ce paradoxe, mais un changement de voie s'impose. Je n'expose pas d'ailleurs les meandres de ma vie interieur dans le simple but de trouver un autre moyen d'exister. C'est que je crois que d'une maniere ou d'une autre nous sommes tous plus ou moins pris dans ces travers, et que peut etre mon experience pourrait etre profitable.
En France, et dans les pays occidentaux en general, on peut dire sans trop se mouiller que la cohesion sociale a ete dissoute par l'expansion du capitalisme, qui ne peut coexister avec une morale - pas de morale sans communauté - trop forte puisqu'elle entraverait obligatoirement les desirs et donc la consommation. Les "puissants" ont donc beau jeu d'encourager la jeunesse a de jolies slogan a la "carpe diem", a l'hedonisme incontrole, a la propagande individualiste - mode, objets, que kundera appelle "attribut du moi"- qui nous rendent accrocs aux sensations facilement acquisent ; dont celle d'exister.
Je crois tres sincerement, et j'en ai pris conscience depuis peu, que l'existence est lie au devenir, devenir qui lui meme est un correlat au sens ; sens qu'il est difficile, voir impossible de trouver en dehors d'une communauté ; dans notre cas, la communauté humaine, nous.
Ce que j'entend par sens et par communaute, n'est en fait rien d'autre que de trouver un but commun a notre espece. Si l'on s'interesse un peu a l'histoire de la philosophie, on s'appercoit que de tous les temps des gens se sont interroges et on pense en commun, cherchant a aller de l'avant, tendant vers un but qu'il nous faudrait peut etre redecouvrir aujourd'hui.
J'aurai beaucoup de choses a rajouter ; je ne peux pour le moment que synthetiser par manque de temps et de moyens. J'espere tout de meme avoir ete clair, c'est que j'ai l'elipse facile. Il s'agit en tout cas pour moi, d'une des plus importantes revelations que j'ai eu jusqu'a aujourd'hui ; sans rapport direct avec l'Australie, mais je ne vais pas non plus vous raconter tous les jours que le soleil brille, que la plage est toujours aussi bondee et que je suis presque marron, que je me balade dans les rues avec mon surf en me la petant grave, et que depuis hier j'ai une nana trop mignonne :D
Je prefere vous dire que nous les jeunes, on a du boulot, une revolution a mener mais avant il faut penser, parce qu'on nous a trop longtemps fait croire a l'ecole qu'on avait atteind une forme de societe ideale, que la propagande et la corruption existent toujours autant, et qu'on a donc nombre de choses a realiser pour notre bien.
Bref, j'ai la flemme de relire, mes excuses habituelles pour les fautes et les points obscurs ; je vous promets, un jour, je corrigerai.
Bisous!
ps : photos incomming
mardi 20 novembre 2007
Tu 20 novembre
J’ai eu du mal au debut a investir le lieu. En ouvrant la porte la premiere fois, j’ai d’abord pu contempler un icomensurable bordel ; vetements eparpilles, bouteilles vides et tout un tas de trucs invraisembables. Ce n’est pas que je sois specialement branche sur la proprete et le rangement, mais trouver ses marques dans un bordel qui n’est pas le sien est difficile. J’ai donc ete des le debut assez mefiant, et meme carrement froid avec mes roomates, surtout apres que pendant quelques nuits, ils m’aient empecher de dormir, soit par leurs ronflements intempestifs ou tout simplement parce qu’en rentrant ivre mort en plein milieu de la nuit ils oubliaient de ne pas allumer la lumiere et de parler tres fort.
La seule personne de ma chambree avec qui je me suis dessuite bien entendu, etait ce juif etrange, un gars lunatique qui m’a pris d’affection, sans que je sache trop pourquoi puisqu’apparement on a tres peu de choses en commun. La plupart du temps il ne comprend rien a ce que je raconte, mais il me regarde en rigolant. Il me fait vraiment delirer. Parfois il est sombre pendant toute une journee, puis le soir il se reveille, et il entame quelque discussions enflammes. Ce que j’admire chez de mec, c’est qu’il sait faire des choses avec ses mains. Il ne connait pas la vie comme moi, mais lui, il y vit. Ses choix et ses decisions sont dictees par son coeur, et c’est une forme de simplicite que je (re)decouvre, et qui donne une profondeur que je ne comprends pas vraiment.
Finalement, une nuit, alors que le grand et costaud danois avait ramene une nana (tres moche) dans la chambre, et qu’ils y parlaient comme si c’etaient chez eux, j’ai gueule (fort). Du coup, cette nuit j’ai bien dormi, et puis le grand danois devait se sentir un peu honteux parce qu’il m’a evite pendant 2-3 jours avant de me proposer son ipod.
L’irlandais pendant les 4 premiers jours, je n’ai jamais vu que son crane gras et ses jambes blanches et poilues, puisqu’il dormait – tout le tps. Je sais, c’est pas croyable, mais si. Un jour, il s’est reveille et puis il est parti. En fait, je crois que depuis, il n’a toujours pas dormi puisque ses affaires sont toujours la.
Le bresilien est aussi un personnage difficilement cernable. Je ne sais pas si c’est la barriere de la langue ou l’air de l’Australie, mais dans ma chambre, ils sont comme ca. Il est d’une incroyable gentillesse et generosite, et me donne l’air completement peaume. Peaume depuis 30 ans et pourtant pas un brin de mechancete n’emane de lui. On dirait un gentil gamin. Il bosse dans un chantier, et quand je le vois dans ma chambre entrain de chercher ses pompes ou son short pose sur son epaule je ne peux pas m’empecher de me marrer tellement je ne peux pas l’imaginer une pelle a la main.
Reste le dernier des danois, le plus petit des deux ; tete d’ange, blondinet a peine pubere et calme – le seul qui ne ronfle pas, mais un brin coquin. Ils sont marrants, avec son grand pote ils se sont fait le meme tatouage sur le bras, des etoiles de couleurs differentes. C’est un peu kitch mais je connais pas vraiment les gouts danois.
Tout ca pour dire qu’au final, j’ai pas change de chambre. Je viens de payer pour une semaine de plus, avec l’argent que je ne suis fais en bossant au black, pour 16$ de l’heure. Une grande aventure de 11heures, avec des patrons qui m’ont fait pleurer de rire tellement ils etaient speciaux. Des genre de specimens qu’on ne croise que dans des films. Un petit boiteux trentenaire, qui nous hurlait dessus, nous insultait comme si on etait des soldats americains pre-vietnamm. J’ai appris pas mal d’insulte, la mieux de loin c’est fucking nuts - putain de noisettes - , et puis j’en ai oublie plein aussi. Le tout etait de ne pas le prendre au serieux, ce qui n’etait pas excessivement difficile.
Bref, apres cette dure journee, la fatigue se pointe et je m’en vais siroter une biere avec des frenchies que j’ai rencontre hier.
Bisous.
p.s : vous voulez pas vous cotiser pour m’aider a acheter ma ford falcon ? :o)
mercredi 14 novembre 2007
Jeudi 15 novembre
Je suis toujours dans le meme backpacker et il est probable que je vais y rester pendant un petit moment. Tout se passe a merveille ici. Il n'est pas vraiment difficile de s'habituer au mode de vie australien. C'est comme si le temps c'etait arrete. Plus d'urgence, l'avenir se resume a de petits buts concrets, comme gagner un peu d'argent pour s'acheter une voiture, ou un surf. Le budjet bouffe est insignifiant. Tout le monde vit a l'arrache, se tape 1/2 heure de marche a pied pour aller s'acheter 3kilos de pattes et quelques aromes. Ceux qui sont la depuis un petit moment ont une caisse et stock tout ce qu'il leur faut pour vivre dans leur voiture. Quand ils n'ont plus d'argent, ils reviennent vers les backpakers autour desquelles tournent toutes les demandes d'embauches.
La plupart sont de petits taff pour la journee, paye au black. Il faut se lever tot pour etre sur d'avoir quelque chose. Ce qui pour moi n'est pas vraiment un probleme, puisque j'entretiens mon "jet lag" en me couchant tot et en me reveillant a 6 heures du mat.
Hier je me suis fais 60$ en bossant 3heures et demi, soit environ 40 euros. Avec de la chance on peut se faire 150$ dans la journee. Donc en 1 bonne journee, on est loge pour la semaine dans un backpaker, en moyenne, pour un dortoir il faut compter 150$ la semaine - avec douche, cuisine pour faire la bouffe, lave linge etc -.
Je suis donc parti pour economiser et m'acheter une caisse. On peut en trouver de vraiment pas cher pour 2000 ou 2500$. Donc avec un budjet bouffe serre et des efforts sur la clop et l'alcool -ici c'est super cher-, j'espere avoir ma caisse dans 1 mois et demi.
Apres quand je l'aurai, c'est parti pour aller visiter l'Australie. L'essence est moins cher qu'en France ; il faut compter 100-150$ pour faire plus de 1000 bornes, donc a deux c'est relativement pas cher.
Voila pour mes previsions a court termes. J'ai pas encore pu visiter grand chose a part Bondi beach. J'essaye de resoudre au plus vite tous les trucs administratifs. En fait il n'y en a pas tant que ca mais c'est pas facile de comprendre ce qu'on est sense faire avec des types qui parlent avec un accent et un debit qui les rends difficilement comprehensible. Et on a beau essaye de leur faire comprendre qu'on comprend pas, ils s'excusent, ralentissent 1/4 de seconde et recommence a piailler dans le vent.
Sinon un danger qui n'est pas marque dans les guides et qui a failli me tuer 2 ou 3x au moins, c'est de traverses les routes. Lobotomise que je suis, je traverse assez souvent en regardant a gauche alors que les voitures arrivent a toute vitesse de l'autre cote. Du coup, je reste scotche au troitoir en tournant ma tete dans tous les sens avant d'oser poser un pied sur le bitume.
Bref, je n'ai surement pas tout dit, mais je ne vois rien de specialement palpitant a rajouter. Les acces internet ici ne sont pas donnes, 5$ pour 1h et demi, donc je ne peux pas vraiment prendre le temps de reflechir. Ca me donne une excuse pour les fautes :o
Bisous tlm, a bientot
lundi 12 novembre 2007
Mardi 12/11
Il est 9h10 ici, et donc comme j'ai 10 heures d'avance sur vous, vous etes encore lundi 11, et votre montre affiche 23h et des brouettes.
Le voyage c'est bien passe, sauf que j'aurai du m'en douter je n'ai pas ferme l'oeil de la "nuit" -du voyage-. Je suis donc arrive a sydney dans la confusion, assomme par un soleil un tantinet agressif, et je dois bien l'avouer, completement peaume.
Les choses sont toujours differentes de la maniere dont on se les imagine. En premier lieu, ce n'etait pas l'excitation de la decouverte d'un pays immense et inconnu, et je n'ai pas vraiment percu les myriades de possibilites s'ouvrant a moi. J'ai juste eu vraiment peur, oppresse par cette ville gigantesque d'ou je n'avais aucune idee de ce que j'allais pouvoir y faire, ni d'ou j'allai y dormir. Bref, le premier jour a vraiment ete difficile.
J'ai errer, trainant ma fatigue, pour finalement rencontrer quelques suisses-allemands avec qui j'ai passe la journee ; sur la plage, a reflechir a la maniere dont j'allais m'organiser, et surtout a me demander si je trouvais une colloc immediatement, m'installer un moment a sydney et y trouver un taff, ou plutot partir sur les routes et bosser de temps a autre.
Bien que la 2eme option soit bien plus attrayante, puisque je ne voudrai pas me retrouver dans une routine a la francaise, je pense pendant un premier temps, m'installer a Sydney. Il est bon d'avoir une adresse et un chez soi le temps de s'implanter, de resoudre tous les petits tracas administratif, et de voir un peu comment se passent les choses.
Pour le moment, je suis dans un backpackers en face de la plage, dans une chambre de 6. On peut pas dire que l'hotel soit vide. J'ai deja rencontre pas mal d'etranger et si mon anglais n'est pas encore au point, j'arrive assez facilement a me faire comprendre.
D'ailleurs, apres 12 heures de sommeil, j'ai repris du poil de la bete. Si je suis encore inquiet, j'ai deja rencontre pas mal de gens sympa et mon optimisme reprend le dessus. Je m'en vais d'ici peu visiter la ville en compagnie d'un fort sympathique allemand qui m'a aimablement propose de me faire visiter les endroits sympas de sydney.
Je vous laisse, pour le moment.
Bisous, vous me manquez saligauds.. Pierre.
mercredi 3 octobre 2007
L'inefficacité au coeur du capitalisme??
Dans cette gestion politique du vivant que Foucault appelle « biopolitique », les résultats de l’incitation à la libre inconséquence ne se feront pas attendre. Les gaspillage individuels, multipliés par le nombre de gaspilleurs, atteignent des totaux impressionnants. Plus de la moitié des trajets effectués en ville au volant d’une voiture couvrent une distance inférieure à 2 km, or, un véhicule n’atteignant sa consommation normale qu’après 5 km, on peut évaluer la perte à 1,5 milliards de litres de carburant. Les 165 milliards de kw/h consommés par les Français pour leur éclairage correspondent à la production de deux centrales nucléaires de 13 000 mégawatts. Une seule suffirait si les foyers étaient équipés d’ampoules moins voraces. Un robinet qui goutte équivaut au moins à 35 000 litres annuels, soit la consommation de cinquante personnes pendant trois ans dans la savane africaine. A ce type de comparaison, sachant par exemple qu’il faut près de 200 litres pour prendre un bain et 11 litres à une chasse d’eau pour évacuer un flacon d’urine dans une cuvette de W-C, on pourra s’adonner à d’effarants calculs. De tels chiffres pourraient être avancés pour nos actions quotidiennes les plus apparemment anodines.
La question « que puis-je faire ? » prélude déjà à l’aveu d’impuissance, tant il est vrai que, désemparés par l’ampleur du monde, où tout se joue sans nous, nous paraissons quantité microscopique et franchement négligeable au pied des forteresses industrielles, juridiques, étatiques. Mais si notre influences personnelle sur le cours des choses peut être tenu pour nulle, nous restons tout-puissants sur la façon dont ce cours nous traverse, ou sur notre faculté de lui rester imperméable. Les fabricants qui nous inondent d’objets inutiles et de nouveautés facultatives ne persévéreraient pas longtemps s’il n’existait un marché pour la pacotille que les clients approuvent par leurs achats. La propagande économique nous a formés au chacun-pour-soi, voire au chacun-contre-tous, et, après avoir changé notre responsabilité en pouvoir d’achat, elle nous presse de renier pour quelques sous ce à quoi nous croyons. En plaçant le consommateur au cœur de son mécanisme, l’autorité marchande lui donne aussi le moyen d’aiguiser son choix en arme d’un contre-pouvoir, de refuser ce qu’il réprouve, d’encourager ce qu’il défend, de se priver de l’inadmissible, et de passer du statut de rouage à celui de grain de sable.
La notion de citoyenneté évolue. Le citoyen d’Athènes n’est pas citoyen de la Révolution française, qui n’est plus le citoyen d’aujourd’hui. L’écocitoyen, sans négliger les relations que l’homme entretient avec la société, s’attache à la nécessité pour l’individu d’avoir des gestes et un comportement responsables par rapport au lieu où il vit aussi bien qu’à l’égard de ses semblables. Et voici que cet individu si souvent séparé des autres et de lui même, fragmenté par le pouvoir consumériste, invité à se nourrir, à s’habiller, à vivre contre ses principes fondamentaux comme un animal dressé contre son instinct, peut s’engager tout entier dans ses choix, ses gestes et ses actes, trouver en lui de quoi se réunifier, pour affirmer haut et fort la cohérence qu’on lui dispute ou qu’on lui interdit, reconquérir ce que Rousseau appelle « l’inaliénable souveraineté individuelle », et y gagner ainsi sa réconciliation.
L’homo consummator porte en lui même la sentence d’un homo ethicus.
Armand Farrachi
dimanche 23 septembre 2007
Lettre de motiv'
Monsieur,
Depuis que j'ai 5 ans je rêve d'entrer dans la vie active. En effet, si j'ai tenu jusqu'a 22 ans avant de fournir a la société toute l'énergie vitale dont je dispose, c'était simplement parce que ma volonté de bien faire, mon esprit perfectionniste m'a conduit à étudier afin d'être ultra productif.
Mon ambition n'ayant d'égale que ma bonne volonté, je sais monsieur, que vous serez ravi de m'avoir en tant qu'employé, puisque non seulement les 4 premiers mois je ne demande aucun salaire, mais en plus je tiens à travailler environ 80 heures/semaine.
Je sais que vous pourriez être sceptique quant à ma capacité à tenir de si long mois sans rémunération, mais après une longue réflection j'en suis venu à une conclusion qui m'apparaît comme pertinente : Sachant qu'un employé de votre entreprise travaille environ 20 heures, je serai déjà 4 fois plus présent. En tenant compte du fait de ma physiologie, allié à ma volonté et de mon savoir faire, je suis également 4 fois plus productif que le meilleur de vos employé actuel. Le calcul est simple, vous aurez en m'embauchant gratuitement l'équivalent de 16 employés, ce qui, vous imaginez, vous fera faire de sérieuses économies. Au bout de 4 mois, je serai devenu incontournable dans votre société, à tel point que vous n'aurez d'autre choix que de me prendre comme adjoint.
En espérant monsieur, vous avoir convaincu, je vous prie de de considérer mon anus à votre entière disposition.
dimanche 9 septembre 2007
L'imagologie
Voici encore un extrait de ce cher Kundera. Je dois dire qu'il est riche d'enseignement. Un passage un peu long, mais que je vous conseille de lire.
Il est évident qu'il ne faut pas gober tout ce que raconte ce cher Milan d'une traite, et qu'étant l'extrait d'un roman plutôt dense, qu'il s'est amusé à constuire de manière à ce qu'on ne puisse pas le résumer, on ne peut comprendre que partiellement la vision qu'il dépeint de notre monde post-moderne. Mais qu'il ait tort ou raison, que ses exemples touchent ou pas, elle amorce une réflexion, qui n'est pas d'ailleurs sans rappeller Guy Debord et sa société du spectacle.
Bonne lecture.
L'imagologie
L'homme politique dépend du journaliste. Mais de qui dépendent les journalistes ? De ceux qui les paient. Et ceux qui les paient, ce sont les agences de publicité qui achètent pour leurs annonces des espaces dans les journaux, ou des temps à la radio. A première vue, on pourrait croire qu'elles s'adresseront sans hésiter à tous les journaux dont la large diffusion peut promouvoir la vente d'un produit. Mais c'est une idée naïve. La vente du produit a moins d'importance qu'on ne le pense. Il suffit de considérer ce qui se passe dans les pays communistes : après tout, on ne saurait affirmer que les millions d'affiches de Lénine partout collées sur votre passage puissent vous rendre Lénine plus cher. Les agences de publicité du parti communiste (les fameuses sections d'agitation et propagande) on depuis longtemps oublié leur finalité pratique (faire aimer le système communiste) et sont devenues leur propre fin : elles ont créer un langage, des formules, une esthétique (les chefs de ces agences ont jadis été les maîtres absolu de l'art de leur pays), un style de vie particulier qu'elles ont ensuite développé, lancé et imposé aux pauvres peuples.
M'objecterez-vous que publicité et propagande n'ont pas de rapport entre elles, l'une étant au service du marché et l'autre de l'idéologie? Vous ne comprenez rien. Voilà cent ans à peu près, en Russie, les marxistes persécutés formaient de petits cercles clandestins où l'on étudiait en commune le manifeste de Marx ; ils ont simplifié le contenu de cette idéologie pour le répandre dans d'autres cercles dont les membres, simplifiant à leur tour cette simplification du simple, l'ont transmise et propagée jusqu'au moment où le marxisme, connu et puissant sur toute la planète, s'est trouvé réduit à une collection de six ou sept slogans si chétivement liés ensemble qu'on peut difficilement le tenir pour une idéologie. Et comme tout ce qui est resté de Marx ne forme plus aucun système d'idées logiques, mais seulement une suite d'images et d'emblèmes suggestifs (l'ouvrier qui sourit en tenant son marteau, le Blanc tendant la main au Jaune et au Noir, la colombe de la paix prenant son envol, etc.), on peut à juste titre parler d'une transformation progressive, générale et planétaire de l'idéologie en imagologie.
Imagologie ! Qui, le premier, a forgé ce magistral néologisme ? [...] N'importe. Ce qui compte, c'est qu'existe enfin un mot qui permette de rassembler sous un seul toit des phénomènes aux appellations si différentes : agences publicitaires ; conseiller en communication des hommes d'état ; dessinateurs projetant la ligne d'une nouvelle voiture ou l'équipement d'une salle de gymnastique ; créateurs de mode et grands couturiers ; coiffeurs ; stars du show business dictant les normes de la beauté physique, dont s'inspireront toutes les branches de l'imagologie.
Les imagologues existaient, bien entendu avant la création des puissantes institutions qu'on connaît aujourd'hui. Même Hitler a eu son imagologue personnel qui, planté devant le Führer, lui montrait patiement les gestes qu'il devait effectuer à la tribune pour susciter l'extase des foules. Mais si cet imagologue, au cours d'une interview accordée à quelque journaliste, avait décrit aux Allemands un führer incapable de bouger ses mains correctement, il n'aurait pas survécu plus d'une demi-journée à pareille indiscrétion. Aujourd'hui, l'imagologue ne dissimule pas son travail, il adore au contraire en parler, souvent aux lieu et place de son homme d'Etat ; il adore expliquer publiquement tout ce qu'il a essayé d'enseigner à son client, les mauvaises habitudes qu'il lui a fait perdre, les instructions qu'il lui a données, les slogans et les formules qu'il utilisera à l'avenir, la couleur de la cravate qu'il portera. Tant de fierté n'a rien qui doivent nous surprendre : l'imagologie a remporté, au cours des dernières décennies, une victoire historique sur l'idéologie.
Toutes les idéologies ont été vaincues : leurs dogmes ont fini par être démasqués comme illusions et les gens ont cessé de les prendre au sérieux. Par exemple, les communistes ont cru que l'évolution du capitalisme appauvrirait de plus en plus le prolétariat ; découvrant un jour que tous les ouvriers d'Europe se rendaient en voiture à leur travail, ils eurent envie de crier que la réalité avait triché. La réalité était plus forte que l'idéologie. Et c'est précisément en ce sens là que l'imagologie l'a dépassé : l'imagologie est plus forte que la réalité, laquelle d'ailleurs a depuis longtemps cessé de représenter pour l'homme ce qu'elle représentait pour ma grand-mère qui vivait dans un village morave et savait tout par expérience : comment on cuit le pain, comment on bâtit une maison, comment on tue le cochon et comment on en fait de la viande fumée, avec quoi on confectionne des édredons, ce que monsieur le curé pensait du monde et ce qu'en pensait monsieur l'instituteur ; rencontrant chaque jour tous les habitants du village, elle savait combien de meurtres avaient été commis depuis 10 ans dans la région ; elle tenait pour ainsi dire la réalité sous son contrôle personnel, de sorte que nul n'aurait pu lui faire croire que l'agriculture morave prospérait s'il n'y avait pas eu de quoi manger à la maison. A Paris, mon voisin de palier passe le plus clair de son temps assis à son bureau, en face d'un autre employé, puis il rentre à la maison, allume le téléviseur pour apprendre ce qui se passe dans le monde, et quand le présentateur, commentant le dernier sondage, l'informe que pour une majorité de Français, le France est championne d'Europe en matière de sécurité (j'ai récement lu ce sondage-là), fou de joie, il ouvre une bouteille de champagne et il n'apprendra jamais que le même jour, dans sa propre rue, ont été commis trois cambriolages et deux meutres.
Les sondages d'opinion sont l'instrument décisif du pouvoir imagologique, auquel ils permettent de vivre en parfaite harmonie avec le peuple. L'imagologue bombarde les gens de questions : comment se porte l'économie Française ? Y' a-t-il du racisme en France ? Le racisme est-il une bonne ou une mauvaise chose ? Quel est le plus grand écrivain de tous les temps ? La Hongrie est-elle en Europe ou en Polynésie ? De tous les hommes d'Etat du monde, lequel est le plus sexy ? Comme la réalité, aujourd'hui, est une continent qu'on visite peu et qu'à juste titre d'ailleurs on n'aime guère, le sondage est devenu une sorte de réalité supérieure ; ou pour le dire autrement, il est devenu la vérité. Le sondage d'opinion, c'est un parlement siégeant en permanence, qui a pour mission de produire la vérité, disons même la vérité la plus démocratique qu'on ait jamais connue. Comme il ne se trouvera jamais en contradiction avec le parlement de la vérité, le pouvoir des imagologues vivra toujours dans le vrai, et même si je sais que toute chose humaine est périssable, je ne saurais imaginer quelle force pourrait briser ce pouvoir.
A propos du rapport entre idéologie et imagologie, j'ajoute encore ceci : les idéologies étaient comme d'immenses roues, tournant en coulisse et déclanchant les guerres, les révolutions, les réformes. Les roues imagologiques tournent aussi, mais leur rotation n'a aucun effet sur l'Histoire. Les idéologies se faisaient la guerre et chacune était capable d'investir par sa pensée toute une époque. L'imagologie organise elle même l'alternance paisible de ses systèmes au rythme allègre des saisons. Comme dirait Paul (voir l'immortalité) : les idéologies appartenaient à l'Histoire, le règne de l'imagologie commence là ou l'Histoire finit.
Le mot changement, si cher à notre Europe, a pris un sens nouveau : il ne signifie plus une nouvelle phase dans une évolution continue (au sens d'un Vico, d'un Hegel ou d'un Marx), mais le déplacement d'un lieu à un autre, du côté gauche vers le côté droit, du côté droit vers l'arrière, de l'arrière vers le côté gauche (au sens des grands couturiers invantant la coupe de la prochaine saison). Dans le club que fréquente Agnès, si les imagologues avaient décidé d'installer aux murs d'immenses miroirs, ce n'était pas pour permettre aux gymnastes de mieux surveiller leurs exercices, mais parce que le miroir passait à ce moment-là pour un chiffre gagnant sur la roulette imagologique. Si tout le monde a décidé, au moment où j'écris ces lignes, qu'il faut considérer le philosophe Martin Heidegger comme un fumiste et un salaud, ce n'est pas que sa pensée ait été dépassée par d'autre philosophes, mais que, sur la roulette imagologique, il est devenu pour le moment le chiffre perdant, un anti-idéal. Les imagologues créent des systèmes d'idéaux et d'anti-idéaux, systèmes qui ne dureront guère et dont chacun sera bientôt remplacé par un autre, mais qui influent sur nos comportements, nos opinions politiques, nos goûts esthétiques, sur la couleur des tapis du salon comme sur le choix des livres, avec autant de force que les anciens systèmes des idéologues.
Après ses remarques, je peux en revenir au début de mes reflexions. L'homme politique dépend du journaliste. Et les journalistes dépendent de qui ? Des imagologues. L'imagologues est une homme à conviction et à principes : il exige du journaliste que son journal (ou sa chaîne de télévision, ou sa station de radio) répondre à l'esprit du système imagologique d'un moment donné. Voilà ce que les imagologues vérifient de temps en temps, quand ils décident d'accorder ou non leur soutien à un journal [...]
La morale
La morale, c'est ce qui nous contraint dans nos libertés, ce sont les valeurs et limites qu'ont nous inculque dés notre plus tendre enfance. Par le passé, c'est la morale religieuse qui asservissait les populations, la peur de l'enfer et une vision simpliste du monde érigée à coup de vérités théologiques. Aujourd'hui, Dieu est mort; la religion n'a pas su s'adapter aux découvertes scientifiques et nombre d'hommes se sont épanouis en découvrant de nouvelles libertés. Pourtant, à mesure que l'influence de la morale religieuse s'amenuise, une morale plus insidieuse prend sa place ; La psychologie. Lorsque l'on s'écarte trop des valeurs admises ou que l'ont remet trop en cause le système, l'on s'inquiète de notre santé mentale. Quelle est la pathologie, ou est le traumatisme qui dans notre enfance nous a rendu différent?
D'un monde régit par un ordre morale, nous sommes passé à une ère ou nous sommes tous prédestinés, tous boarderlines.
L'idée de traumatismes dans l'enfance, qui conduirait à des réactions en chaine, est d'autant plus étrange qu'elle pré-suppose une évolution "normale" d'un individu, et qu'elle considère comme naturelle une évolution entre un père et une mère, dans un foyer, ce qui ne correspond à aucun critère naturel. Cette pseudo génèse n'est pas réelle, elle a été simplement considérée comme juste.
La psychologie a perdu de vu ses objectifs primaires, elle a cessé d'être un outil d'analyse médicale, pour devenir un outil essentielle à la morale, pour ne pas dire la morale elle même.
Lettre de démission
Je vous prie de prendre acte de ma démission lors de la réception de cette lettre.
Les raisons qui me conduisent à rompre mon contrat sont simples : je ne cautionne pas l'immoralité et l'hypocrisie qui courrent en vos murs. Ce n'est pas comme si je ne savais pas ou je mettais les pieds en me présentant chez vous, mais je pensais pouvoir faire abstraction des défauts du métier en effectuant des tâches bêtes et méchantes, pouvant ainsi rester détacher de leur nature même. Il n'en est rien; et ce n'est pas la musique, qui bien que désagréable ne finit plus qu'en bourdonnement qui hébète, mais la manière dont vous concevez l'investissement de vos employés.
Je m'explique :
Lors de son arrivée, le nouveau est volontairement bien intégré. L'ambiance pourrait lui paraître géniale s'il oubliait son salaire misérable et l'ingratitude de ses missions. Les petits mots d'amour, les blagues entre amis et les petites collations offerte par la maison sont les petites pillules pour faire passer la sueur et les déceptions des employés motivés, qui espèrant gravir les échelons, s'intègre et adhère sans compter à la politique h&m et la reproduise avec encore plus d'entrain. La jeunesse...
Comment ne pas être touché par l'innocent qui se démène en pensant intégrer une structure pour laquelle il n'est et ne sera jamais rien? Parlez moi de sa passion et je rirai, car de ses efforts il ne connaîtra que la froide réponse de visages invisibles, planqués derrière leurs remparts de millions engrengés : "mangez bien, prenez des forces.." et encore, "bravo! 7millions, continuez.."
Plaisanterie? Assurément de mauvais goût, et il faut un cynisme avancé pour cautionner ce genre de pratiques.
Conception triste de la politique h&m, loin, bien loin de celle véhiculée dans les locaux, mais qui n'est que le masque d'une machine, une illusion qui disparaît avec la fatigue et la confrontation aux meutes presque enragées de clients, asservis eux-aussi, aux apparences, à l'envie de participer et d'être reconnu, besoin qui ne seront pas satisfait et qu'ils tentent vainement de compenser en consommant, pour votre plus grand plaisir.
En vous souhaitant une bonne continuation,
Pierre Grévin.
La thune
Je n'aime pas m'asservir. J'ai l'impression que les gens sont contents de travailler. Ca les soulage ; ils culpabilisent d'être inactif, et le jour où enfin ils passent à l'acte, libérés, ils donnent tout ce qu'ils ont. Pas tous c'est vrai. Mais j'ai cette image en tête ; ceux qui s'estiment, qui souhaitent prendre leur vie en main, qui veulent être des gens bien. Des gens normaux quoi.
J'ai entendu plusieurs fois que c'est dans la contrainte que l'on trouve sa liberté. Qu'elle nous forge. J'ai du mal à comprendre cette idée tant je la trouve abstraite. Je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement entre contrainte et souffrance. La liberté dans la souffrance, et je sens à plein nez les relans de notre bonne vieille religion. On travaille plus par culpabilité que par nécessité.
Si le travail n'est qu'exercice alors je travaille. Mais ça ne suffit pas à m'affranchir de cette pression coërcitive. Culpabilisante influence qui m'oblige à mettre la main à la patte et à participer aux tâches ingrates que l'on me propose. A perdre mon temps, puisqu'au final je n'apprend rien d'autre que je ne sais déjà. A fréquenter des gens incultes et bêtes. Que je ne connais pas mais dont les limites apparaissent dés les premieres moments. Leur ridicule champ de vision. L'esprit gras et bien souvent mesquins. Aux banales motivations. Vivre et puis aussi exister. Mais sans jugement critique ni originalité ; il faut alors supporter leur petit combat quotidien, leur besoin d'affirmer leur "moi", de le sublimer à coup d'attributs étriqués.
Moi c'est l'angoisse qui me travaille. Je suis un animal sauvage, appeuré, je courbe l'échine et montre des dents. Et ca leur plaît pas à mes petits chefs. Ca leur plaît pas.
Il faut s'asservir. Comme une pute. Faire semblant de jouïr, d'être docile et déjà résigné. Car il ne s'agit pas simplement de travailler : mieux vaut un lèche cul inactif qu'un rebelle motivé. Il faut montrer qu'on est heureux d'être là ; le sourire aux lèvres, l'air bienheureux dans cet environement pour ne pas, surtout, remettre en question le système dans lequels ces gens se sont installés. Rien ne les dérange plus que l'esquisse d'une crise existensielle.
Ca me fait d'ailleurs penser à une histoire de canard. Chaque matin une petite troupe de canard s'en va faire 1 km aller-retour pour aller s'abreuver au lit d'une petite rivière. Un matin, alors qu'ils s'en vont faire leur promenade quotidienne, un des membre de la tribu glisse et tombe dans un fossé. Il dévale une petite pente, et s'apperçoit que juste à coté du nid, il y a un court d'eau.
Tous les canards s'en apperçoivent et sont pris de panique, qu'on appelle chez nous crise existensielle. Résultat, plutôt que d'éviter les dangers qu'engendrent leurs parcours du combattant en s'abreuvant au pied de leurs nid, papa canard et toute la troupe décident d'ignorer cette trouvaille et de faire comme avant.
Il n'est pas bien difficile de saisir la réaction de ces gentils oiseaux. Ils conçoivent l'univers d'une certaine manière : ils ont une notion géographique du monde, des habitudes qui régulent leurs vie, et cette découverte boulverse tout ; sème le doute dans leur petite tête de palmipède. Ils découvrent l'absurde. Et rien n'est plus dur à supporter.
Il faut les comprendre : découvrir que sa vie n'a pas de sens, qu'on gaspille son énergie dans des activités qui ne nous apporte rien, à part peut-être une possibilité d'évolution sociale, est très désagréable. C'est la déprime. Le nihilisme. Chez les japonais, le suicide.
Pour en revenir au travail, j'ai éludé nombre d'arguments que l'on m'a opposé lorsque je tentais vainement de me rebeller.
Le plus courant, c'est la raison morale : le fait est que lorsqu'on ne travaille pas, on n'a pas d'argent, et que ce sont les parents qui derrière doivent assurer. Je dois bien avouer que je ne vois pas très bien, face à ce coup bas, comment légitimer ma rébellion.
L'exposé qui suit est généralement plus conciliant. Il faut être stoïque : tu es compris mais la société est ainsi, il faut supporter pour plus tard, se libérer. Travaille, engrange l'argent, et fait ce qu'il te plaît.
C'est clair comme de l'eau de roche, on me demande de coucher. Moi qui rêvait d'être un preux, un chevalier dandy, un gentilhomme aux valeurs éternelles, on ne me donne d'autres alternatives que d'aller fréquenter des milieux dans lesquelles je n'aurai d'autres choix que de mentir, de me plier à des raisonnements que je n'approuve pas tout en ayant l'air d'être d'accord. Quoi de plus cynique et de plus immoral?
Quant à l'idée d'engranger de l'argent, il faut être none pour réussir à économiser en étant smicard.
Je finirai par là : évidement le travail et donc la contrainte peuvent être bénéfique puisqu'elle oblige l'homme à se surpasser, et donc à s'élever. Mais chercher la souffrance pour avancer n'est rien d'autre que du masochisme : avoir une bite dans le cul ça fait mal mais ça fait pas marcher droit.
Laissez nous vivre nous les jeunes ou bientôt on vous l'incendiera votre pays de merde.
Et une petite citation de nietzsche, tiré des apologistes du travail :
Dans la glorification du «travail», dans les infatigables discours sur la «bénédiction» du travail, je vois la même arrière-pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, on sent aujourd'hui, à la vue du travail — on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir —, qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société où l'on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême.
na.
jeudi 6 septembre 2007
Le rire
"Rubens eut un jour entre les mains un vieux recueil de photos du président John Kennedy : rien que des photos en couleurs, une cinquantaine au moins, et sur toutes le président riait.
Quelques jours plus tard, il se rendit à Florence. Debout devant le David de Michel-Ange, il se représenta ce visage de marbre aussi hilare que celui de Kennedy. David, ce parangon de la beauté masculine, eut soudain l'air d'un imbécile! Dés lors, il prit l'habitude de plaquer mentalement une bouche rieuse sur les visages des tableaux célèbres ; ce fut une expérimentation intéressante : la grimace du rire était capable de détruire tous les tableaux. Imaginez, au lieu de l'imperceptible sourire de la Joconde, un rire qui lui dénude les dents et les gencives!
Bien que familier des pinacothèques, auxquelles il consacrait l'essentiel de son temps, Rubens avait dû attendre les photos de Kennedy pour se rendre compte de cette simple évidence : depuis l'Antiquité jusqu'à Raphaël, peut-être jusqu'à Ingres, les grands peintres et sculpteurs ont évité de figurer le rire, et même le sourire. Il est vrai que les visages des statues étrusques sont tous souriants, mais ce sourire n'est pas une mimique, une réaction immédiate à une situation, c'est l'état durable du visage rayonnant d'éternelle béatitude. Pour les sculpteurs antiques comme des époques ultérieures, le beau visage n'était pensable que dans son immobilité.
[...]
Mais comment expliquer que les grands peintres aient exclu le rire du royaume de la beauté? Rubens se dit : le visage est beau lorsqu'il reflète la présence d'une pensée, tandis que le moment du rire est un moment où l'on ne pense pas. Mais est ce vrai ? Le rire n'est-il pas cet éclair de réflexion en train de saisir le comique ? Non, se dit Rubens : à l'instant où il saisit le comique, l'homme ne rit pas ; le rire suit immédiatement après, comme une réaction physique comme une convulsion du visage et dans la convulsion l'homme ne se domine pas, étant lui-même dominé par quelque chose qui n'est ni la volonté ni la raison. Voilà pourquoi le sculpteur antique ne représentait pas le rire. L'homme qui ne se domine pas (l'homme au-delà de la raison, au-delà de la volontéà ne pouvait être tenu pour le beau.
Si notre époque, contredisant l'esprit des grands peintres, a fait du rire l'expression favorisée du visage, cela veut dire que l'absence de volonté et de raison est devenue l'état idéal de l'homme. On pourrait objecter que sur les portraits photographiques la compulsion est simulée, donc consciente et voulue : Kennedy riant devant l'objectif d'un photographe ne réagit nullement à une situation comique, mais ouvtre très consciemment la bouche et découvre les dents. Mais cela prouve seulement que la convulsion du rire (l'au-delà de la raison et de la volonté) a été érigée par les hommes d'aujourd'hui en image idéale derrière laquelle ils ont choisi de se cacher.
Rubens pense : le rire est, de toutes les expressions du visage, la plus démocratique : l'immobilité du visage rend clairement discernable chacun des traits qui nous distinguent les uns des autres ; mais dans la convulsion nous sommes tous pareils.
Un buste de Jules César se tordant de rire est impensable. Mais les présidents américains partent pour l'éternité cachés derrière la convulsion démocratique du rire."
extrait de l'immortalité, Milan Kundera
L'art Alexien
mercredi 5 septembre 2007
Le Tigre
Ma force se transforme en rage, je deviens une bombe qui s'auto-censure pour survivre, je suis ligotté, baillonné et ma nature s'est perdue, j'ai perdu mon tigre et chaque jour je retiens mes larmes et je n'peux même pas mourir; le feu ne s'éteind pas, force tranquille, réminiscence d'amour, j'encaisse et sur les ruines je reconstruis au hasard et bientôt non, ignorer ne suffit plus; j'ai plongé dans la masse et perdu mon éclat et ici bas, tout change.
L'enfant sommeil en moi et ne part pas, rêve petit mais pas trop longtemps, le soleil est déjà haut.
Road Trip
Au départ Camill cherche le sens et la connaissance desquels il espère trouver le bonheur. Mais le sens et son côté mathématique, désenchante le monde. La psychologie, la morale, l'intellectualisation de la vie pour ainsi dire, l'oblige à contempler l'existence sous un aspect qui le répugne. Il sombre au fur et à mesure dans une mélancolie qui le rendra presque cynique. Le voyage est une métaphore de son évolution, et les diverses expérience qu'il vivra un prétexte aux découvertes qu'il fera. Il se heurtera au nihilisme, aux désespoir pour en arriver à une forme de révolution : le choix de l'oublie volontaire de ce qu'il a apprit, d'un retour à l'enfance pour ré-appréhender le monde dans ça simplicité. Il se battra alors pour le ré-enchanter, re-créer le sacré en s'appercevant que la connaissance de la vie n'est pas supérieur à la vie elle même.
Le lecteur devrait comprendre que dés le début Camill le savait, puisqu'il cherchait une forme de connaissance instinctive, un rapport direct entre ses émotions et ses perceptions. Il apprendra donc entre autre, au fil de son voyage, qu'il s'y est mal prit. De la connaissance pure il ne trouvera qu'une image triste du monde ; il lui faudra comprendre que la poésie naît du rapport entre l'univers et le corps, et de ses représentations, elles-mêmes imaginées en partie grâce à ses sensations.
Voici l’histoire de Camill L, jeune poète des temps modernes, vagabond itinérant mais bourgeois malgré lui, expérimentateur et expérimenté de la vie, âme rebelle et farfelue qui n'avait de cesse de s'interroger sur ce qui l'entourait. Il semblait vouloir percer le mystère de son existence et du monde, et n'entendait pas abandonner avant d'avoir compris. Le sens, était selon lui indispensable au bonheur, auquel on ne pouvait aboutir qu'en atteignant une forme élevée de connaissance ; tant spirituelle qu'intellectuelle où le sens et l'objet fusionneraient, où l'esprit pénétrerait directement les choses ; où les émotions retranscrirait le monde avec la même exactitude que la vue et le touché.
Sa quête, l'avait amené à se heurter à des énigmes hautement philosophiques sur lesquelles il buttait inlassablement. Il spéculait, alors, imaginant sans arrêts des réponses plausibles, suivait des cheminements douteux et finissait généralement par s'embrouiller. Il est à noter, que malgré la gravité de ses reflexions, Camill n'en était pas moins insouciant. Ce qui pour lui était une chance ; il fréquentait l'absurde de son existence sans en être affecté outre-mesure . Il pouvait errer dans les rues pendant des heures encombré de ses reflections et soudain frivole, s'amuser d'un rien. Il s'adonnait volontier aux péchés véniels, et buvait en vérité plus souvent qu'il n'aurait dû. C'est cet agréable contraste qui lui valu de nombreuses et franches amitiés.
Vagabond, puisqu'il n'habitait nulle part, ce qui lui était un avantage ; changer d'ambiance, de lieu, le distrayait. Le décor, les gens l'inspiraient tant qu'ils ne devenaient pas trop familiers. Vagabond parce que nomade, mais aussi parce qu'il n'avait pas un copec. Bien trop absorbé par la vie qu'il goutaît goûlument et parce qu'incapable de faire quelque chose sans il y trouver un intérêt. Cela viendrait plus tard. Toujours est-il qu'il flirtait avec une forme de liberté qui lui aurait été reprochée s'il n'avait pas été dénué de la moindre parcelle de mesquinerie. Cet air candide et sa joie de vivre lui ouvraient toutes les portes. Avec sa grande carcasse maigrichonne, ses cheveux en bataille et son style accoutumier, on pouvait le prendre pour un rescapé de la Beatnik. Il n'était pas dur d'ailleurs, de se l'imaginer en compagnie de Moriarty, tous deux entrain de divaguer sur des thèmes incertains où pris de folie, de sauter dans une caisse et à fond de cale, se tirer à l'autre bout du pays.
C'était un de ces soirs d'été ou l'air est trop chaud et l'ambiance trop festive pour que le soleil se couche déjà. Entassés dans une vieille citroën, ils discutaient. Où plutôt Bertre, le chauffeur, monologuait, s'excitait de plus en plus à mesure qu'ils avalaient les kilomètres. Il ralait, menaçait, tonitruait qu'il serait un aventurier, qu'il se foutait des gens, surtout de ces filles qui préfèrent les bellâtres, à l'image des acteurs, qui dégainent et exterminent tout dans chaque film, les faisant frémirs, ces nanas en mal de sensations, et rêver les mecs, qui imitaient après, sans s'être aperçu qu'il s'étaient fait castrer pendant ce spectacle viril.. Pendant qu'il vitupérait, Jack ricannait sans jamais donner son avis. Camill derrière, révassait, habitué aux élucubrations de son ami. A sa droite, Mat dormait, comme toujours.
C'est dans cette atmosphère semi-électrique qu'ils voyagaient. Depuis trois jours déjà ils sillonnaient les routes. De Paris, ils étaient descendus par les nationnales, jusqu'à Dijon, pour dévaller la vallée du Rhône jusqu'à Aix en Provence, où ils attrapèrent Mat, et repartirent aussitôt. Ils voulaient longer la méditérannée, traverser la frontière Catalane, rejoindre la Galice, suivre la côte portugaise jusqu'au détroit de Gilbraltar pour sauter jusqu'en terre afriquaine, pleine des promesses d'aventures dont rêvait Bertre. Ils voulaient le désert. Idée qui avait dû être lancée la veille du départ et qui les avaient tous enchantés. Une excursion en plein Sahara, loin des bagnoles, de la pollution, de leur quotidien.
L'évasion par le voyage est la plus saine. C'est en tout cas ce que pensait Camill, qui se taisait depuis leur entrée en Espagne. Il était grave, presque triste ; dans un de ces moments où l'on a une conscience aigüe de soi-même, lucide, ressentant chacun de ses affects avec précisions. Il sentait ses nevroses, ces émotions refoulés qui encombrait sa psychée. Alors qu'il s'imaginait entraint de les percer avec une aiguille, comme si ç'avait été des boules de pues, il fut attiré par la la voix de Bertre qui avait monté d'un cran. Jack, stoïque, subissait ses assauts.
"Bien sur que la vérité existe, disait-il. Ne sommes nous pas tous dans cette voiture en ce moment? Et quand un homme meurt, il est bien mort ; les conclusions ne sont pas difficiles à trouver. C'est faire preuve d'obscurantisme ou de folie que de dire le contraire."
Après cette dernière déclaration il se tut. Le silence dura quelques secondes et Camill, d'une voix monocorde prit la parole :
" Le vrai ! Mais merde à quoi bon ? Le vrai n’existe que pour ceux qui croient en un ordre établit du monde qui limite l’imaginaire alors que c’est l’imaginaire qui crée notre univers et qui l’agrandit! L’imaginaire c’est la fantaisie, la beauté instantanée de notre âme qui s’étale sur notre quotidien aliéné et mesquin !
Et même quand l’âme est noire, c’est beau! L’existence n’existe-elle pas par ses contrastes ?
D'ailleurs, l’aseptisé naît de cette recherche angoissée du vrai, du beau, du divin ; autrement dit, l’homme, à travers sa soif de connaissance, ne cherche qu'à contrôler. Dans sa quête de vérité, il cherche la clé, le concept fondamental et ultime d’où découlent tous les autres ; et bien sur il s’égare : réduisant tout pour mieux voir, il oublie ce qui l’entoure et repeint le monde d’une seule couleur. Comme l’enfant qui rêve, il omet les réalités qui entravent son désir et recrée le monde en oubliant ce qui le dépasse ; le divers et sa beauté, la vie et son grand mystère.. On entre alors dans des schèmes d'où on reste prisonnier. Il n'y a pas de vérité, pas de vérités factuelles.. Elles ne sont elles même, la plupart du temps que des prises de positions. Arrête un peu d'être catégorique, un homme meurt et où elle est ta vérité? Quel enseignemant en tire tu mis à part le fait que tu vas toi même mourir? Il faut voir plus loin ; les représentations de la mort dans nos sociétés sont multiples, tu n'as qu'à imaginer une suite.. "
"Et les maths? demanda Mat qui ne dormait plus.
Personne n'eut le temps de répondre. La voiture s'était mit à faire un drôle de bruit. Soubressaut, hoquet, la panne. Plus d'essence. Ils se garèrent sur le côté, près d'un bosquet de chênes. Bertre bondit de la voiture, ouvrit le coffre, pris un pack de bières, sauta sur le toit et s'assit en tailleur, content ; il avala quelques gorgées et se mit à rire.
"On campe ici"? demanda-t-il hilare.
Mat ne riait pas. Les autres s'en foutaient. "Ici ?" tenta-t-il quand même. Personne ne répondit. Jack et Camill étaient déjà partis reconnaître les lieux. "Attendez moi!" cria-t-il, et il les rejoint.
Mat était de ce genre de gars timide, qu'on oublie facilement. De taille moyenne, toujours sobrement vêtu, il restait silencieux la plupart du temps. C'est d'ailleurs pourquoi il surprenait souvent par des déclarations que personne n'attendait. Toujours attentif, il voyait des choses qui échappaient aux autres. Il passait souvent pour quelqu'un de craintif, de peu de caractère, mais révélait rapidement un subtil mélange; une âme sensible dégageant une aura de force tranquille.
La nuit était tombé maintenant. Ils s'étaient calés autour d'un feu et discutaient de leur périple. Ils faisaient des plans, jouissaient déjà d'être là, libre et sans contraintes. Camill sortit sa guimbarde et se lança dans des impros. Mat, qui était maintenant complètement saoul se mit à parler.
"Il m'arrive de ne plus savoir qui je suis. Dans ces moments, l'angoisse surgit. Je plane dans une forme de brouillard qui me rend amorphe. C'est cette sorte d'état que décrit l'adage, "mais qui suis-je, où vais-je, mais dans quelle était j'erre?!". Mon âme semble s'être arreté en plein désert. Un désert froid et humide. L'énergie à disparu en même temps que mes sensations ; je suis las et triste. Mon corps en suspens, entouré par l'absurde, le sens des choses englouties dans une mélasse grise et vaporeuse. En ces moments, j'ai l'impression de n'être qu'un fantôme flottant au gré des vents d'une imagination devenue lourde et adipeuse.
C'est ma mémoire qui me fait défaut. Les souvenirs disparaissent et font de moi un errant. Je ferme les yeux alors, et je repense ma vie. Je plonge dans le passé, je revis mon histoire. Réminiscence salvatrice. Les émotions oubliées réssurgissent. Je me rappelle, je me souviens de tout. L'enfance, noyau de mon être. L'énergie revient avec l'espoir. Tout s'accélère, se re-précise. Les couleurs reviennent, le brouillard ce dissipe. Je sais qui je suis. Alors j'inspire à nouveau l'air frais de la vie, mon ventre soulagé d'un grand poid."
Il les fit tous frissonner. Jack ricanna. C'est le genre de gars qui se marre quand il ne sait pas comment réagir. Mat reprit la parole.
"Je sais que vous vous demandez pourquoi je vous dis ça. De but en blanc. C'est que je suis bien, que j'ai envie de partager avec vous ce qui me touche. En prenant la route avec vous, j'ai comme l'impression d'avoir arraché ce film de célophane qui me sépare de la vie. Je deviens important, je vois les choses dans leurs détails. C'est une aventure, ma vie, la votre et je sens en moi bouillonner une forme d'espoir, d'audace qui me donne envie de partager nos impressions, d'avancer pour aller plus loin encore, dans la démarche du voyage. Puisque c'est pour ça qu'on voyage n'est ce pas? Parce qu'on est plein d'espoir. Curieux et avide d'aller voir au délà de nos frontières, pour expérimenter ; tout simplement vivre.."
"C'est le moment d'en tirer une conclusion", commença Camill. "L'homme qui ne voyage plus, est un homme déjà mort!"
Ils se turent un moment, pensifs, puis arrosèrent cette découverte métaphysique jusque tard dans la nuit.
Le lendemain il leur fallut bien pourtant régler ce futil mais ennuyeux détail qui les avait bloqué ici : l'essence. Bertre partit en stop avec un bidon, les autres attendait là. Camill lisait, Jack avait sortit sa guitare, Mat dormait. Il revint 2 heures après avec son fût plein. Ils purent repartir vers Pampelune et sa féria. Ils étaient impatients.
Ils arrivèrent tard dans la nuit. La ferveur de la ville les emporta quasi-instantanément dans un délire qui ressemblerait bientôt à une transe mystique. Les rues étaient piétinées par des meutes d'ivrognes qui tournaient dans la ville, dans tous les sens, criaient et chantaient, dansaient parfois, n'oubliant jamais d'aller uriner dans les ruelles les moins fréquentées, qui l'étaient de moins en moins, à cause des odeurs de pisses. Les gens étaient devenus fous, libérés de leurs préoccupations ; enfants spontanés et révoltés, ils hurlaient tous leur amour de la vie, à leur façon, emporté par leur violence, leur rage qui s'était transformé en un amour passionné ; parfois viril mais toujours sincère.
La nuit fut chaotique. Dionysos fut fêter comme seul les espagnols savent le faire. A coup de fûts percés, de chants païens et d'excès en tout genre. Ils se perdirent les uns les autres, dans la foule immense, dispersés et engloutit par des courants contraires. Chacun ressentit cette nuit une fièvre étrange dont ils leurs seraient difficile de parler plus tard.
Camill se reveilla seul, la bouche sèche. Il leva la tête, éblouit par le soleil; assit au milieu d'un rond point. Les mecs qui tournaient autour klaxonnaient en le voyant. Il était couvert de vin, pieds nus, crade comme s'il s'était roulé dans la boue. Qu'est ce qu'il avait bien pu foutre de ses pompes? Il se marra un coup et se leva, se demandant ou pouvait bien être ses potes et comment il allait les retrouver. Il fallait d'abord qu'il avale un truc mais surtout, qu'il boive. Il fouilla ses poches, où il n'y trouva rien d'autre que de la poussière. Merde, pas un rond. Il se leva et se mit à déambuler dans les rues toujours animés, à la recherche d'un point d'eau et peut-être d'une bonne âme qui lui payerait un sandwitch.
La matinée était déjà avancé et sous le soleil, les pavés des ruelles lui brûlait les pieds. Il finit par trouver une fontaine, où flottait quelques canettes vides, vestiges de la nuit passée. Il y but de tout son saoûl et s'assit à l'ombre d'un grand châtaigné pour réfléchir.
Le meilleur moyen de retrouver les autres était de retourner à la voiture. Ce qui n'aurait pas été un problème s'il avait su où il était. Il se remit en route, au hasard, marchant au milieu d'une foule qui enflait à mesure que la journée avançait, évitant quand il le pouvait, les bouses que les taureaux avaient lâché un peu partout en ville. Il tourna pendant deux heures avant de retrouver la voiture. Mat était couché sur le capot, attendant, pensif, tout aussi crotté que Camill, mais avec ses chaussures.
Ils se calèrent à côté, grillant quelques cigarettes en attendant que les autres les rejoignent. Jack arriva un moment plus tard et ils se mirent à piailler, se racontant leurs soirées, cherchant à renouer les bribes de souvenirs qu'ils leur restaient. Ils étaient bien. Un peu stone, envoûter par les bambocheurs excités qui passaient devant eux, et par la ville qui recommençait à s'exalter.
C'était déjà la fin d'après midi et Bertre ne revenait toujours pas. Ils étaient patients, mais ça commençait à devenir long.
"Bon, dit Jack, je vais chercher de l'alcool. Bougez pas, dans 15 minutes je suis là et on se la met."
"Mais t'as des thunes?" demanda Mat.
"Non, tout est dans la caisse, mais j'ai copiné avec des types qui ont un bar ici, ils nous lâcheront bien une bouteille de sangria. Ce sera pas le nirvana mais j'ai rien d'autre à proposer."
Les autres ne répondant pas, il partit s'enquérir de son breuvage.
La soirée s'amorça donc sans nouvelle de Bertre, ce qui ne les inquiéta pas le premier soir. Ils burent et l'oublièrent, pris dans la tempête nocturne. Ils restèrent ensemble cette nuit là. Jack, se promenait avec un baton sur lequel il gravait une encoche, à chaque fille qu'il embrassait. Ce qui faisait sourire Camill ; qui ne connaissait pas de meilleur dragueur. En ces moments, il se métamorphosait : son regard devenait doux, son visage enfantin, presque angélique. Il s'avançait vers elles, comme si c'était plus fort que lui, aimanté, ce qui devaient les persuader de l'attrait mystique qu'elles avaient sur lui. Il leur murmurait des choses à l'oreille, les touchait, et les calinait sans qu'elles n'opposent de résistances puis les embrassait généralement avant qu'on y est compris quelque chose. Ca relevait du génie.
Mat avait une technique toute différente. Il s'asseyait à côté d'une fille qu'il avait choisit et lui parlait longuement. On le voyait alors s'animer, devenir éloquent, presque expressif. Et quant il arrivait à ses fins, on le voyait revenir le lendemain, transfiguré, encore plus silencieux que d'habitude, mais un sourire immense qui ne le quittait pas avant un bon moment.
Camill ne draguait pas. Il semblait se suffir à lui même. C'est qu'il considérait l'amour comme une illusion. Un substitut à la solitude. Une passion construite sur des objets crystalisés, qui se terminait presque toujours par de la frustration, de la souffrance et du ressentiment ; un cercle vicieux qui n'avait de cesse que le jour ou, lassés par cette quête chaotique, les instigateurs de l'amour abandonnent peu à peu leurs idéaux si haut placés, se résignent à la concession, à aimer moins follement, mais plus longuement.
Le lendemain ils passèrent encore leur journée près de la voiture. Bertre ne revenait toujours pas, et ils commençaient à s'inquiéter. Ils fallait le retrouver. Jack devait rester près de la voiture, au cas ou il reviendrait, pendant que Camill et Mat partaient faire le tour des infirmeries.
C'est finalement à l'hôpital qu'ils le retrouvèrent. Il s'était fait encorner pendant l'Encierro. Rien de grave mais il était cloué au lit pendant une bonne semaine. Ce qui le déprimait profondément.
"T'inquiète pas Bertre, dit Jack, l'été est encore long, et on à le temps de voir. Toi tu restes au pieu, nous on fait les férias, on te récupère quand on aura besoin d'un chauffeur."
"Bande d'enfoirés, répondit-il."
Et ils se marrèrent.
spéculation
Je ne me souviens plus très bien d'où je suis parti. Ca à commencer par un dialogue entre deux personnes, qui à débuter, je crois, comme ça :
_ Il y a bien plus de gens que d'idées. En fait, on peut même dire qu'il y en a peu. Elles circulent, elles voyages mais se sont toujours les mêmes.
_ C'est idiot. Comment peux-tu ne pas penser à l'histoire de la pensée humaine? Les idées ne circulent pas simplement, elles évoluent. Certes beaucoup de personnes n'inventent rien et s'accaparent concepts, valeurs, pensées pré- fabriquées, mais il y en a sans cesse de nouvelles. Sinon nous en serions encore à l'âge de pierre.
_ Peut-être. Mais je pense à cette loi physique qui dit, rien ne se crée, tout se tranforme. Finalement, si on applique cette théorie à la pensée, nous n'inventerions jamais rien, mais transformerions sans cesse.
Les plus grands penseurs seraient donc les plus fins alchimistes.
Puis j'ai pensé à autre chose.. ( me semblait vachement plus longue, ma reflexion, avant que je l'écrive ^_^ )
Kundera
"Le maniement de la pensée féminine a ses règles inflexibles ; celui qui se met en tête de persuader une femme, de réfuter son point de vue à coups de bonnes raisons, a peu de chances d'aboutir. Il est bien plus judicieux de repérer l'image qu'elle veut donner d'elle-même (ses principes, idéaux, convictions), puis d'essayer d'établir (par sophismes) un rapport harmonieux entre ladite image et la conduite que nous souhaitons lui voir tenir."
lundi 3 septembre 2007
L'arbuste - poésie chaotique
Je me lève tard,
Je reste cloitré ;
J'attends.
Je n'ai pas peur
La vie me tente
Je peux la sentir couler dans mes veines
En moi.
Je l'imagine souvent,
En tout ce qu'elle regorge d'expérience, d'aspérités et de richesses.
Ce n'est pas l'incohérence
Ni la souffrance
L'absurde de l'existence pour ainsi dire, qui me rend inactif ;
C'est que j'ai beau la pressentir,
Elle m'échappe sans arrêt.
Je me roule dans l'herbe
Me vautre dans la boue
Je ne veux faire plus qu'un avec elle
Et une transe désespérée commence,
Un flirt avec la terre, qui finit toujours le visage tendu vers le ciel noir étoilé
Où je me perds ;
Je rigole.
Mon corps pense pour moi
J'éprouve les âges
Adrénaline.
Je me sens asticot
Ca m'excite
Dieu m'écœure
Trop facile..
Je veux errer dans les bas fonds.
Nager dans l'épaisseur, le contraste.
J'ai les yeux secs ;
Monde aseptisé
Femmes stérilisées et
Barbus castrés.
L'aventure est perdue!
**
Je n'ai pas de tronc,
Arbre chétif aux nombreuses ramures,
Eparpillé,
dispersé.
Arbuste schizophrène plaqué à son tendeur :
Orbe d'énergie.
Artifice!
Je défie les grands chênes et même les baobabs ;
Gerbe de lumière, je brille et j'éblouis !
Feu de paille !
Branches trop frêles, tombent incandescentes et brûlent mes racines..
La sève coule,
mon âme pleure,
l'arbre s'affaisse.
L'aura disparaît avec l'illusion ; broussaille rabougrie et contrite.
Ils rient les chênes.
Un fantasme se réalise.
Le fait est que j'ai une infinité de choses à dire. Et un besoin de les crier à tue-tête. Paradoxe étrange puisqu'il me semble que la quête qui m'habite serait plutôt la démarche inverse : c'est à dire de soustraire à mon "Moi" tout attribut inutile, tentant d'atteindre la génèse de mon âme, dans l'espoir de pouvoir répondre à la grande question : "mais qui suis-je?"
J'ai toujours pensé, à tort ou à raison, que tant qu'on est soumis à ce besoin de se faire valoir, c'est à dire, dépendant du jugement des autres et soumis à leurs raisons, il est impossible d'atteindre la liberté ; la liberté d'être sincère et donc de s'éloigner sensiblement de la substance de son âme. Une trahison en somme.
Le paradoxe, c'est qu'il est impensable d'exister sans les autres. Que c'est par les gens qu'on peut se situer, que c'est eux qui nous façonnent. La quintessence de l'âme est une douce chimère. Il suffit d'ailleurs de faire un peu de sciences humaines pour s'en rendre compte : à priori l'homme est déterminé, et le "Moi" n'est qu'une série de transformations que forment les conflits psychiques, l'enfant du "ça" et du monde extérieurs - de ses règles.
En clair, le "Moi" est poreux, et l'introspection intensive nous place invariablement devant l'ambivalence de nos désirs.
D'où ce blog.